CDEN du 3 Juillet 2018
Déclaration Préalable
Un an de macronisme dans l’Education nationale : le bilan…
Il y a au moins deux choses que l’on ne peut reprocher à ce gouvernement : la lenteur et les hésitations. Au bout d’un an de mandature, un constat s’impose : pas une semaine sans une annonce, sans un nouveau «chantier», sans un nouveau rapport. Tous ne semblent avoir qu’un seul objectif : détruire l’existant et le plus vite possible. Qu’il s’agisse de notre modèle social, de nos services publics et de la Fonction Publique qui les fait fonctionner avec son statut et ses instances, de notre Ecole en particulier, la liste est longue et certainement pas exhaustive: mise en cause du statut et volonté de privilégier le recours aux contractuels, suppression programmée des CAP et CHSCT, développement de la rémunération au «mérite», fusion des académies, réforme de l’accès au supérieur, réforme du lycée et du baccalauréat, réforme envisagée de la formation des maîtres, fermeture des CIO … Concernant la Fonction Publique, à l’occasion de CAP22, les organisations syndicales ont été contournées et n’ont pu porter la contradiction dans les débats. Les premières restitutions gouvernementales font le constat d’une dégradation des services publics. La FSU estime que les mesures que s’apprête à prendre le gouvernement pour l’avenir de la Fonction publique et de ses agents seraient des régressions majeures. Les projets présentés dans les quatre « chantiers » dans la Fonction publique : « instances de dialogue social », « recours accru aux contractuels », « rémunérations individualisées » et « mobilités » remettent en cause des aspects fondamentaux du statut. La FSU s’oppose à l’extension annoncée du recours à des agents non titulaires, elle continue d’intervenir pour un plan de titularisation. Elle défend l’existence et le renforcement du rôle des CHSCT et s’oppose à la diminution annoncée des prérogatives des CAP (plus de consultation sur les projets de mouvement des personnels, l’établissement des listes d’aptitude et des tableaux d’avancement annuels nominatifs, certaines sanctions disciplinaires…). La FSU n’est pas opposée au changement ni aux réformes. Encore faut-il que celles-ci aillent dans le sens d’une amélioration. Où est le progrès si les services publics doivent à l’avenir reposer sur de plus en plus de personnels précaires, moins formés et dépendant de «managers de proximité»? Où est le progrès si les organisations syndicales ne peuvent plus jouer leur rôle démocratique? Où est le progrès si avec la fusion des académies se développent suppressions d’emplois, mutualisations, régionalisation de l’Education? Où est le progrès quand des lycéens aux résultats remarquables se voient refuser, grâce à Parcoursup, l’accès à une fac d’anglais ou de maths? Où est le progrès si les élèves ne disposent plus d’un lieu et de personnels dédiés à leur orientation? Pour la FSU, réformer c’est améliorer et réduire les inégalités, tout le contraire de ce qui est actuellement à l’œuvre.
Dans l’Education, le bilan au bout d’un an n’est pas vraiment idyllique.
Dans un rapport publié le 13 mai dernier, l’Inspection générale de l’éducation nationale fait un bilan de la mise en œuvre des régions académiques créées en 2015, conséquence de la réforme territoriale mise en place la
même année. Ce rapport préconise d’arriver à l’horizon 2021 à 13 académies métropolitaines dont la carte se superposerait à celle des 13 nouvelles régions. Quelle sera la place d’un département comme celui de la Lozère dans cette nouvelle organisation ? Le rôle du Ministère se limiterait à la ventilation des moyens aux académies des grandes régions. Le Recteur unique de « l’Occitanie » aurait toutes les compétences : gestion des personnels, budgets, carte scolaire, carte des formations… Il aurait par ailleurs une grande latitude dans la définition de la politique éducative régionale. La FSU reste opposée à cette décentralisation de l’Education Nationale.
Dans le 1er degré aussi se multiplient les injonctions ministérielles tous azimuts, mettant en cause le professionnalisme et la liberté pédagogique des personnels. Le ministère a publié un ensemble de textes officiels (Guide CP, circulaires au BO, notes sur les APC et les animations pédagogiques) qui se caractérisent par une mise sous tutelle des pratiques enseignantes et un recentrage sur les fondamentaux. La FSU s’oppose au contournement des programmes fondé sur une instrumentalisation des neuro-sciences et aux prescriptions rétrogrades qui amplifieront les inégalités scolaires, pointées par les évaluations internationales. En outre, la généralisation annoncée des évaluations nationales standardisées représente un grave danger pour les pratiques comme pour les contenus d’enseignement. Concernant le sujet premier de ce CDEN, l’organisation du temps scolaire. Dans le Larousse, la réforme est définie comme un changement de caractère profond, radical apporté à quelque chose, en particulier à une institution, et visant à améliorer son fonctionnement. La réforme des rythmes en était-elle donc une? Au regard de ce qui est constaté un peu partout dans l’ensemble du pays, on peut en douter. En tout état de cause, l’objectif premier de la réforme, de «permettre aux enfants de mieux apprendre à l’école », a été supplanté au fil des années par le caractère économique et politique. Le SNUipp-FSU a toujours demandé que sur ce dossier, les enseignants soient écoutés et entendus. Force est de constater que dès la mise en place en 2012, ils ne l’ont pas beaucoup été. Ainsi la réforme des rythmes mal préparée, mal financée s’est, dans beaucoup d’endroits, construite à partir du périscolaire et des contraintes des collectivités et surtout, elle ne s’est pas traduite de manière uniforme sur le territoire. En Lozère la quasi-totalité des écoles va revenir à quatre jours, non pas parce que la réforme Darcos de 2008 – mais elle aussi, en était-elle une? – était une réussite, mais parce que celle de Peillon est un échec. Tout reste donc à faire.
Les collèges du département restent sous tension pour différentes raisons : la pression des effectifs à scolariser n’y est pas toujours prise en compte. Si on peut se satisfaire de l’ouverture de nouvelles classes de 6e pour les collèges de Saint Chély d’Apcher et de Florac, il reste cependant plusieurs situations (collège de Mende, 6e à Langogne, 4e à Florac) où les effectifs sont très lourds et nuisent à la bonne réussite de tous les élèves, en particulier de ceux qui connaissent des difficultés. La réforme des collèges, imposée à la profession, continue de produire ses dégâts dénoncés régulièrement par la profession. S’est ajouté la mise en place de dispositifs non financés partout (dispositif chorale, devoirs faits) qui entretiennent le malaise. Enfin, la faiblesse du nombre d’AED, la très forte précarisation induite par leur contrat et la gestion de leur renouvellement posent des difficultés croissantes dans la gestion du suivi éducatif des élèves, tant en externat qu’en internat. Ce suivi étant rendu encore plus difficile quand des travaux, certes importants et nécessaires, sont mis en œuvre dans certains établissements.
L’enseignement professionnel est également sur la table des réformes. Depuis quelques temps déjà, le mot « apprentissage » était dans tous les discours, présenté comme LA solution aux maux de la voie professionnelle. Fin mai, M Blanquer annonçait des orientations fortes. Dans ce document, le ministre et l’État se désengagent frontalement de leur responsabilité en matière de formation professionnelle des jeunes pour organiser son transfert vers les branches professionnelles via l’apprentissage. En ne mettant en avant que cette unique voie, l’état appauvrie la formation professionnelle initiale mise en œuvre dans les lycées Pro : seconde professionnelle commune avec une spécialisation en fin d’année, diminution des heures d’enseignement notamment les enseignements généraux. Pour les jeunes, leur avenir scolaire, professionnel et personnel sera fortement détérioré par des savoirs professionnels réduits aux seuls gestes techniques et des savoirs généraux au rabais. Il l’appauvrie également financièrement en diminuant drastiquement la taxe professionnelle que pouvaient toucher jusqu’à présent ces établissements. Il prend également le risque de créer une voie professionnelle à deux vitesses,
l’accession à la voie d’apprentissages étant, on le sait, très discriminante, et les ruptures de contrats (facilités dans les propositions de Blanquer) très courantes. Vouloir réformer l’enseignement professionnel sur la seule base de l’économie budgétaire est irresponsable.
La mise en œuvre de la réforme Blanquer (qui s’appliquera à la rentrée 2019 pour toutes les classes de seconde et de premières générales et technologiques) est un des outils d’une politique plus globale guidée par la simple recherche obsessionnelle de supposés gisements d’économie qui aboutirait, si elle est installée sur ses bases actuelles, à la perte d’au moins 140 emplois dans les lycées généraux et technologiques de l’Académie de Montpellier. Les trois lycées publics lozériens étant, comme tous les lycées de « petite taille», fortement touchés (pertes horaires estimées à 127 heures soit 7 emplois). Le renforcement de l’autonomie des établissements passe aussi par la réforme du baccalauréat, elle aussi imposée à toute la profession. La « réforme simplifie l’examen, qui est devenu trop complexe et […] qui fragilise son organisation » pouvait annoncer le Ministre lors de sa présentation du projet de réforme en février dernier. Pour abattre le bac, examen national et premier grade universitaire qualifié de « rite » de la « dramaturgie scolaire » et de « fétiche » au profit d’un diplôme d’établissement comme le préconisent de nombreux lobbies, cette réforme impose un choc de complexification (entre 18 et 23 épreuves communes) organisé à l’échelle locale de l’établissement tous les 3 mois (durant les 2 années de scolarité en 1ere et Tmle) et un anonymat des copies réduit à des échanges entre correcteurs du lycée ou du bassin. Présentée comme un outil assurant une égalité de traitement des candidats, cette configuration choisie, variable d’un lycée à l’autre, ne peut créer les conditions suffisantes de neutralité pour tendre vers une égalité de traitement entre les candidats. Elle suffira à donner prise aux réputations des établissements dans la valeur que les formations de l’enseignement supérieur accorderont au baccalauréat.
La procédure Parcoursup et son fiasco actuel des affectations (126 000 non affectés au 26 juin) malgré les tentatives désespérées de masquer la situation catastrophique faite au droit des bacheliers de la session 2018 de pouvoir poursuivre leur formation post bac, tant par les discours que par les nouvelles procédures mises en place (expérimentation bac pro en BTS par exemple), révèle le creusement des inégalités entre le traitement des lycéens des quartiers et zones populaires et les autres, entre les lycéens des métropoles urbaines et ceux des zones rurales. La sélection mise en ouvre par Parcoursup, totalement assumée par les Ministres de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur, renvoie chaque lycéen à la propre responsabilité de son devenir, excluant ainsi la responsabilité les deux ministères concernés.
L’orientation scolaire est actuellement au centre de grandes manœuvres : le premier ministre a décidé de transférer les DRONISEP (Délégations régionales de l’ONISEP) ainsi que leurs missions et leurs personnels aux Régions, décision motivée par le souci de donner aux Régions un lot de consolation après la perte de l’apprentissage. Cette mesure aurait pour effet d’affaiblir à très court terme le fonctionnement de l’ONISEP privé de ses ressources en académie, et de diminuer la qualité de ses productions. Le risque de l’adequationnisme local dans le domaine de l’orientation scolaire et fortement renforcé (volonté de fermeture des CIO, affectation des Psy-EN dans les établissements) aux dépends d’un projet personnel d’orientation personnel construit par chaque élève en lien avec une équipe pluri-professionnelle. Le projet de circulaire sur le rôle des professeurs principaux (présenté le 19 juin) est très inquiétant à ce sujet en excluant de fait le rôle primordial joué par les Psy-EN dont les missions sont complètement ignorées.
L’enjeu de cette rentrée 2018 est de mettre à jour les réalités d’une profession d’autant plus mobilisée contre la dégradation des conditions d’enseignement qu’elle est attachée à la réussite de tous les élèves et donc en colère quand on l’empêche de faire un bon travail. La FSU, comme toujours, saura mobiliser les agents pour faire émerger ces réalités et exiger les mesures qui s’imposent : revalorisation, moyens pour l’éducation, renforcement des garanties statutaires, respect des droits et de la professionnalité des personnels.