Appel solennel du Conseil Fédéral Régional de la FSU Occitanie.
FONCTION PUBLIQUE : NOS VIES ENSEMBLE, TOUT SIMPLEMENT !
Pourquoi ne peut-on pas fermer l’hôpital de Pamiers (09) ? Parce que ce sont des milliers de vie qui pourraient se trouver menacées par une obligation de prendre la route pour aller se faire soigner beaucoup plus loin.
Pourquoi est-ce nécessaire de maintenir l’ensemble des services spécialisés dans les hôpitaux publics de proximité ? L’hôpital public de Mende (Lozère) souffre d’un manque de médecins spécialisés, ce qui oblige les patients du département, en recherche d’un service médical spécialisés à emprunter les services de VSL pour rejoindre Montpellier par l’A75 (400 kilomètres aller retour dans la journée) pour se faire soigner. Est-ce ainsi que l’on prend soin des malades ? Est-ce ainsi que l’on considère renflouer les caisses de la Sécurité Sociale et des Mutuelles ?
Pourquoi ne peut-on pas fermer le Collège de Luz-Saint sauveur (65) ni l’école de Saint-SauveurCamprieu (30) ? Parce que chaque hiver leur secteur est isolé du reste du département par la neige ou les éboulements qui bloquent la route et qu’il y a des élèves dans ces zones qui ont le droit d’avoir une scolarité normale.
Pourquoi faut-il des enseignants titulaires et protégés par un statut au collège de Latronquière (46) ? Parce que le recours à des contractuels est aléatoire, on retrouve difficilement un contractuel pour venir assurer quelques heures dans un collège de moyenne montagne à des kilomètres de Toulouse ?
Pourquoi ne peut-on pas réduire l’offre de formation au Lycée Rive Gauche de Toulouse (31) ? Parce que les publics qu’il accueille ne peuvent être divers que si cette offre est riche. Rationaliser, cela signifierait ghettoïser ce lycée, en finir avec une école commune à tous les élèves.
Pourquoi ne peut-on pas fermer l’École de Prayssac (46) ? Parce que les parents de ses élèves sont les agriculteurs qui entretiennent et cultivent les terres qui nourrissent le pays et entretiennent les paysages qui font, aussi, le patrimoine et la richesse environnementale de notre pays.
Pourquoi ne faut-il pas fermer le CIO de Castres (81) ? Parce que la fermeture des CIO priverait les élèves et leurs familles d’un accueil de proximité y compris pendant les vacances scolaires, lorsque les établissements scolaires sont fermés. Elle signifierait la disparition du service public d’orientation de l’Éducation nationale et l’ouverture aux officines privées et start-up en tous genres.
Pourquoi depuis 2016 n’aurait-on pas dû fermer deux collèges publics dans la ville de Nîmes (30) ? Parce que le taux de collégiens scolarisés dans le privé était déjà de 35% et qu’il va passer à 39% en 2020.
Pourquoi n’aurait-on pas dû rénover les transports urbains de la ville de Nîmes (30) en commençant, en 2012, par une ligne de Trambus qui relie une nouvelle zone commerciale au centre ville ? Parce que les populations les plus fragiles, qui sont nombreuses à résider dans les quartiers péri-urbains, sont depuis trop longtemps privées d’une mobilité qui pourrait faciliter leur intégration dans le tissu socio-économique nîmois.
Pourquoi est-il nécessaire de cesser la fermeture des bureaux de La Poste et de cesser la création d’Agences postales communales ? Parce qu’il n’est pas normal de faire payer deux fois le citoyen. La Poste, dans son désengagement territorial au nom de la recherche permanente de rentabilité, poursuit le démantèlement du réseau postal en fermant des bureaux, en particulier dans les communes rurales. Les maires de ces communes sont alors mis dans la situation, sans vraiment avoir le choix pour assurer le maintien d’un service postal a minima, de substituer au bureau de La Poste, une Agence postale communale dont les coûts d’entretien et de fonctionnement sont assurés en partie par le budget municipal selon la convention signée. Ou… comment faire payer deux fois les tarifs postaux, pourtant toujours en forte hausse, aux usagers des zones rurales : par le paiement du service et par les impôts locaux….
Pourquoi quand on habite en milieu rural ou en montagne ne peut-on pas émettre et recevoir d’appels téléphoniques mobiles et accéder normalement aux réseaux internet ? Parce que disposer des moyens élémentaires de communication constituerait pour ces territoires et pour leurs habitants un facteur considérable de sécurité et de bon développement socio-économique. Le service public de la télécommunication a été déréglementé et privatisé. Or en territoire à faible densité de population et/ou à fort relief, la mise en concurrence de la téléphonie fixe et mobile a eu pour effet de générer des zones blanches ou grises tout simplement par absence de rentabilité. Le défaut de couverture en téléphonie mobile est d’autant plus problématique que la distribution de la téléphonie fixe est régulièrement déficiente, tout particulièrement dans le Massif Central : en Cévennes, Montagne noire, Haut-Minervois, comme dans les Pyrénées ou le Massif des Corbières. Souvent l’absence d’entretien et de maintenance des lignes téléphoniques, pour ne pas dire parfois leur abandon, provoque très régulièrement des coupures prolongées qui, dans les secteurs ruraux, peuvent s’apparenter à de la mise en danger d’autrui, notamment en cas d’accident, de maladie ou de soins, pour les personnes âgées ou maintenues à domicile.
Chacun l’aura compris, on pourrait (bien trop) multiplier les exemples dans de nombreux domaines…
Pourquoi ne peut-on supprimer tous ces Services publics ? Parce qu’ils sont indispensables à la vie quotidienne de nos concitoyens : pour naître, apprendre, se soigner… vivre, tout simplement !
Les services publics sont de vrais outils d’aménagements du territoire, ils sont des éléments clefs de notre existence.
On le voit déjà, leur affaiblissement ou leur disparition pose des soucis concrets au quotidienne. On le voit déjà, le transfert de certains services publics vers le privé a pu développer des carences de services publics pour les usagers. Pourquoi, à travers un numéro de téléphone virtuel commençant par un 0800… (Toute notre région et notre nation est concernée ici), le taper 1, puis le taper 2 etc est insupportable pour toutes et tous alors que l’on essaye de joindre de l’humain à travers un soi-disant « suivi » de service public ?… Peut-être parce que ces liens humains ont été volontairement détruits entre les usagers et les agents de la Fonction Publique avec la privatisation et la sous-traitance des Services Publics de proximité par des « plates-formes » externalisées et plus ou moins virtuelles qui, d’une part, exploitent l’être humain, via un honteux phoning intensif et, d’autre part, insurge à juste titre le citoyen qui recherche de l’aide et du lien humain. La notion de rentabilisation accrue recherchée par ce gouvernement pour les services publics doit ainsi être dénoncée. Il est en effet politiquement important d’insister sur les coûts induits pour la population et au profit du secteur marchand par l’absence de Fonction publique et la question de l’efficacité de la privatisation des services publics doit être clairement posé à courts termes. Car pour nous, ce qui garantit le bon fonctionnement des services publics, selon les principes fondateurs de notre République et de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, ce sont les fonctionnaires.
Etre fonctionnaire, c’est en effet participer à cette solidarité collective qui fonde notre pacte républicain, c’est assurer un service public rendu pour l’intérêt général et reposant sur trois principes fondateurs : le principe d’égalité, le principe d’indépendance et de neutralité, le principe de responsabilité. Trois principes qui protègent tous les usagers et tous les citoyens contre les dérives des décisions administratives et politiques et garantissent un service public rendu par des agents de la fonction publique, de manière neutre et impartiale.
Etre fonctionnaire, ce n’est pas un privilège : le statut des fonctionnaires garantit certes la “sécurité” de l’emploi mais il induit aussi de nombreuses obligations parce qu’il est ce qui permet d’assurer – à la hauteur des besoins – la présence des Services publics sur tout le territoire.
Avec la casse du Statut général des fonctionnaires et des statuts particuliers, ces grands principes sont aujourd’hui directement attaqués. C’est pourquoi il est urgent de réhabiliter les fonctionnaires qui sont souvent pris comme les boucs émissaires par des idéologies libérales, dont celles développées par ce gouvernement, qui considèrent que le statut des fonctionnaires serait un problème.
Depuis plusieurs siècles, à travers de nombreuses luttes sociales et démocratiques, notre pays s’est engagé petit à petit dans la voie qui fait aujourd’hui sa singularité et interpelle le monde entier : celui d’une administration commune, désintéressée, juste et humaine, au service de toutes les citoyennes et tous les citoyens, sans distinction de rang, d’origine, d’opinion, de moyens et de besoins. Il a bâti progressivement une Fonction Publique compétente, engagée, honnête et désintéressée, loin de toute corruption ou détournement des moyens publics pour le bénéfice de quelques-uns. Il l’a renforcée avec la mise en application de l’esprit du Conseil National de la Résistance (CNR), après les temps les plus troublés et les plus sombres de son histoire, pour renouer et prolonger l’esprit des Lumières et de la Révolution, dans le principe d’une démocratie sociale.
Pourtant, aujourd’hui, le Projet de Loi de Transformation de la Fonction Publique rompt le fil de cette histoire, et le lien que doit construire notre pays entre son passé et son avenir. Ce projet détruit les principes unanimement partagés du CNR. Ce projet est un immense retour en arrière… Un retour en arrière dont la logique est celle d’une attaque historique contre des garanties qui sont le fruit d’une vision ambitieuse de la fonction publique. Un retour en arrière dont le corollaire est une précarisation généralisée dictée par l’obsession de voir la fonction publique comme un coût et un poids, au lieu de la considérer comme une véritable richesse sociale.
Le projet de loi de transformation de la Fonction publique organise ainsi la mise à bas de la Fonction Publique. Il démantèle les droits des fonctionnaires, leur statut, leur position, leur mission ; par là, il ouvre la porte à la corruption, à l’opacité et l’arbitraire, aux arrangements louches, aux réseaux d’influence, au clientélisme ; il livre aux appétits des financiers des marchés de services aujourd’hui gratuits et de qualité, et organise une société de l’argent-roi ; il brise la confiance des Français dans leur Etat, dans leur capacité collective à assurer à toute femme et tout homme une vie digne, un développement humaniste ; à assurer la nécessaire transition écologique ; à respecter leurs aspirations à la liberté, à la justice et la solidarité.
Aujourd’hui que les enjeux environnementaux appellent des réponses urgentes et collectives, il ne s’agit plus seulement d’administrer des territoires, mais des ressources et des espaces indispensables à la vie. Et il est impensable et tout à fait déraisonnable de les abandonner à la loi des marchés, des profits et à l’appétit sans bornes de quelques groupes de pression, d’argent ou des deux à la fois. Ce projet revient donc près d’un siècle en arrière dans notre histoire, et va livrer le pays à la concurrence exacerbée, la compétition, l’exclusion, les inégalités, qui sont le terreau des guerres et des affrontements. Présenté sous une apparence de modernisation, d’approche technique au nom de la la simplification administrative, il prépare le pire.
Voilà l’enjeu hautement idéologique que ce gouvernement est en train de vouloir imposer à toute la société française au nom de la prévalence de la mise en concurrence de tous contre tous. Cette nouvelle société casserait les bases de notre contrat social construit depuis la Libération.
Le CFR Occitanie, réuni le 23 mai 2019 à Narbonne, en appelle donc solennellement aux réflexes de notre pays, à ses ressources citoyennes et humanistes, à sa soif de justice, de fraternité et d’égalité.
La Fonction publique ne peut être une variable d’ajustement social : elle est au contraire une richesse qu’il faut développer, un investissement pour l’avenir. Elle n’est pas une charge de l’ancien monde dont il faudrait se délester, mais bien un socle stabilisateur à renforcer dans la voie du progrès social. En effet, les fonctionnaires des trois versants de la Fonction publique, à travers les missions qu’ils exercent au quotidien, sont l’assurance et la garantie de l’accès aux services publics de proximité pour nos concitoyens de tous âges et conditions et ce en tous lieux du territoire.
Alors, Monsieur le Président de la République, Monsieur le Premier Ministre, Mesdames et Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs les Parlementaires ! Ne trahissez pas notre pays, notre histoire et ses valeurs : retirez votre projet de transformation de la Fonction Publique.
Construisons au contraire la Fonction Publique que nos concitoyens attendent.
Narbonne, le 23 mai 2019